Contexte/Problématique
La crise E. Coli survenue en 2011, inédite dans les filières végétales, a eu un impact sur les consommateurs. Elle a perturbé leur relation aux produits tant sur le plan de leur consommation, que de leur perception : la confiance envers les fruits et légumes a été ébranlée, leur image a été détériorée.
A l’occasion de cette crise, il a été fait le constat qu’il n’y avait pas d’outil pour caractériser et suivre la vision qu’ont les consommateurs envers les fruits et légumes frais. Il manquait des indicateurs de la satisfaction globale de l’offre fruits et légumes frais, et des capteurs objectifs de « l’opinion publique » sur la filière.
De même, il est alors apparu impératif d’identifier, de comprendre et de suivre les mécanismes de restauration de la confiance globale du consommateur vis-à-vis des fruits et légumes frais.
Public/Cible
Interfel est à l’origine de ce projet, l’étude a été menée par la société TNS Sofres. Le pilote est cofinancé par FranceAgriMer, plusieurs prestataires seront mobilisés pour réaliser les études au fil des années : TNS, BVA et CSA depuis 2017.
La cible est le grand public et les résultats de ce baromètre sont à destination des professionnels et parties prenantes de la filière fruits et légumes frais.
Objectif poursuivi
L’objectif est de mettre en place un baromètre permettant de suivre globalement le degré de confiance du grand public, du
consommateur, envers les fruits et légumes frais et l’impact des messages mis en œuvre pour restaurer leur image.
Le projet vise à expérimenter le « Baromètre de confiance des fruits et légumes frais » pour créer, à moyen terme, un outil d’anticipation
sur l’attitude du consommateur.
Descriptif du projet
1. L’axe stratégique du baromètre de confiance : l’engagement.
La notion d’engagement dépasse et englobe la notion de fidélité en y ajoutant une notion empathique qui renvoie au relationnel, au lien que le consommateur entretient avec une marque ou une catégorie de produit. La fidélité décrit ce que font les consommateurs, l’engagement décrit ce que les consommateurs ressentent. La fidélité renvoie à un comportement, elle peut exister sans engagement (exemple : on peut lire une revue par habitude mais sans implication particulière). L’engagement est une attitude qui intègre une dimension psychologique de perception, d’état d’esprit et ne peut exister sans fidélité. C’est cette notion d’engagement qui est déterminante dans les mécanismes de recommandation.
Pour arriver à suivre l’évolution de l’engagement des consommateurs, il faut d’abord caractériser la relation que le consommateur entretient avec les fruits et légumes dans sa globalité.
2. L’investigation exploratoire et l’élaboration du questionnaire : étude qualitative et quantitative
Afin de mener l’investigation exploratoire il est nécessaire de partir du « parcours client » et des points critiques qui fondent la
satisfaction tout au long du processus d’achat, de conservation, de mise en œuvre et de dégustation des produits.
Puis élargir l’investigation à l’inventaire de tous les « points de contacts » auxquels le consommateur est exposé avec les fruits et légumes frais, de façon directe ou indirecte. Le but est de saisir l’image globale que le consommateur se construit face à ces produits (typiquement, l’exposition au slogan « Mangez 5 fruits et légumes par jour », et aux publicités d’annonceurs, pas forcément de l’agroalimentaire, qui utilisent des « codes fruits et légumes », créant des effets de halo, influencent la perception globale des produits.).
Cette image issue de ces « interférences d’environnement » et de l’expérience propre du consommateur détermine un positionnement global de la catégorie « fruits » et de la catégorie « légumes » vis-à-vis d’autres catégories de produits alimentaires, et vis-à-vis d’autres technologies (conserves, surgelés).
L’ensemble de ces composantes relatives à la satisfaction, à l’image, au comportement, au positionnement permettent d’approcher le degré de confiance ou de défiance du consommateur vis-à-vis des fruits et légumes frais et ainsi son niveau d’engagement.
Une fois cette relation consommateur décrite et caractérisée, il sera intéressant de suivre son parcours dans le temps et de voir comment elle évolue en distinguant son évolution « intrinsèque » et son évolution « conjoncturelle » sous l’influence de facteurs extérieurs.
En matière de « facteurs extérieurs », un focus sur :
Les impacts de crise : en identifiant les variables et étapes (émergence, acmé, récession) attitudinales et comportementales d’une crise pour en monitorer le déroulement potentiel.
Les impacts induits par des actions de communication et marketing, en analysant la sensibilité de réaction à celles-ci, et permettant de construire une analyse pour en optimiser leur déclinaison.
Ce travail d’investigation se fera par une exploration qualitative auprès de plusieurs groupes de consommateurs. A l’issue de cette étape, une note méthodologique, une analyse détaillée et une première trame de questionnaire sera élaborée et amendée avant d’être pré- testée.
Ainsi 3 phases d’études vont se succéder, une enquête qualitative avec entretiens semi-directifs, une 1ère vague d’enquête quantitative puis une seconde vague selon la même méthodologie que la première.
L’enquête qualitative détermine ce qui crée la confiance à l’égard des fruits et légumes, et comment elle se construit pour les consommateurs. Elle est constituée par 6 entretiens d’une heure auprès du grand public pour identifier toutes les dimensions sur lesquelles reposent la confiance et les types d’attitudes et comportements à l’égard des fruits et légumes. Cette phase déterminera le questionnaire des deux prochaines enquêtes quantitatives.
La première vague de l’enquête quantitative est réalisée auprès de 1 000 français via un questionnaire en ligne de 15 minutes. Elle va permettre de hiérarchiser les leviers de la confiance, de mesurer la fréquence des types de comportements précédemment déterminés et réaliser un bilan de confiance directement opérationnel grâce à des indicateurs synthétiques pertinents et pouvant être suivis dans le temps.
La seconde vague de l’enquête quantitative a été réalisée comme la première auprès de 1 000 français représentatifs de la population âgée de 18 ans et plus via des questionnaires en ligne. Elle suit les indicateurs de confiance de la première vague, en les mettant en regard des temps forts de la période (crise éventuelle, communication…) et posera des questions d’actualité, afin d’intégrer et tester des éléments de communication ou des arguments.
3. Résultats des études :
La proximité rassure : au-delà de l’aspect humain, la proximité offre au consommateur la possibilité de disposer de fruits et légumes issus
d’un territoire évocateur de culture, d’histoire et de valeurs qui sont autant de leviers de confiance.
A ce souci de proximité s’ajoute un autre levier de confiance à l’égard des fruits et légumes sans cesse évoqué: la naturalité des produits. Si les personnes interrogées s’accordent sur le fait qu’il est préférable de manger des fruits et légumes de saison, rares sont celles qui s’y astreignent. Ainsi pour ne pas renoncer à leurs habitudes de consommation, nombreux sont ceux qui se tournent vers des alternatives, notamment lorsqu’il s’agit de légumes avec la première d’entre elles : les surgelés. A l’inverse des légumes en conserves qui suscitent des réserves à la fois sur le conditionnement mais aussi sur leur goût, les produits surgelés sont jugés de manière positive.
Parmi les leviers de confiance affectant de manière conséquente les comportements d’achat de fruits et légumes frais, les sens jouent un rôle particulier dans la grande distribution comme dans les circuits courts. L’importance est portée sur l’apparence extérieure du produit, le toucher et l’odeur.
De plus, la question du prix des fruits et légumes est évoquée rapidement et de manière spontanée par les personnes interrogées. Ils recherchent le « prix juste » (question du pouvoir d’achat, qualité du produit et attention portée aux producteurs). Le prix est un facteur de confiance ambivalent, il met en lumière une distinction qui s’opère entre les vecteurs de la confiance et ceux de l’achat. Alors que les consommateurs admettent que leur confiance envers les fruits et légumes se construit aussi en fonction du prix de ces derniers, un critère d’achat objectif semble s’imposer à eux, celui du pouvoir d’achat. Cela révèle que l’hypothèse de ne plus manger de fruits et légumes n’est pas envisageable, et qu’il est préférable de manger des fruits et légumes même s’ils sont considérés comme étant de moins bonne qualité.
Les modes de productions interrogent les consommateurs. La plupart des personnes interrogées admettent prêter de plus en plus d’importance au contenu de leurs assiettes et se disent préoccupés de la qualité des produits qu’ils consomment. Ils soulèvent un système de distribution pour les GMS peu connu, difficile à saisir du fait du nombre important d’intermédiaire. Le manque de connaissance à l’égard de la filière n’empêche pas les consommateurs de s’en faire une image. Moins valorisante que celle des circuits courts, elle prend pour beaucoup la forme d’une production mondialisée à grande échelle et moins soucieuse de la qualité et du caractère durable des fruits et légumes cultivés.
Un système industriel qui fait émerger des préoccupations en matière de santé publique. Malgré le flou à l’égard du système de production de fruits et légumes pour la GMS, les consommateurs de fruits et légumes interrogés y voient un mode de production industriel. Sans pour autant le condamner, ils imaginent de grandes surfaces de culture à perte de vue, d’immenses serres et un mode de production intensif. Ces cultures s’inscrivent, pour beaucoup, dans une logique productiviste d’approvisionnement des besoins rendue nécessaire par la consommation de masse avec une crainte de l’usage de produits toxiques. Des modes de productions qui dénatureraient la qualité des produits, en cultivant des fruits et légumes frais sous serre en dehors de toute saisonnalité, de nombreux consommateurs soulignent le manque de goût de ces produits.
Un souci permanent d’information éclaire le souci des français vis-à-vis de leur alimentation. Cette préoccupation est d’autant plus pertinente pour les fruits et légumes frais car ils sont l’illustration de cette relation qui se renforce entre alimentation et santé, relation dans laquelle la question de la confiance à leur égard prend toute sa dimension. Il y a une forte attente d’informations à plusieurs niveaux : la production, la conservation et la consommation. Des informations relatives aux modes de productions seraient appréciées, mais également en matière de conseil et d’information sur la conservation ou encore sur les modes de préparation des légumes. La méconnaissance sur la préparation est si importante que certains vont jusqu’à renoncer à la consommation de légumes frais et s’empêcher d’en acheter.
Selon les enquêtes quantitatives, retenons que, en 2014, les fruits et légumes jouissent d’un capital de confiance élevé malgré de fortes attentes en matière d’informations. Les consommateurs sont attentifs et vigilants et font de la proximité un levier capital de la confiance.
Le budget de dépenses du projet représentait 50 000 € HT, cofinancé à moitié par FranceAgriMer.
Observation
Le baromètre de confiance va par la suite se poursuivre tous les ans. En effet, FranceAgriMer et Interfel font réaliser, chaque année, un sondage pour suivre l’évolution de la perception des français vis-à-vis des fruits et légumes frais grâce au baromètre de confiance.
Voici une brève synthèse des résultats entre 2014 et 2019. En moyenne depuis 2015, les français ont une confiance élevée dans les fruits et légumes et maintiennent une consommation qui incite à un certain optimisme. Chaque année le taux de confiance pour ces produits représente plus ou moins 90%. En 2017, on ajoutera une inquiétude latente face au sujet des pesticides. La confiance envers les fruits et légumes frais ainsi que la consommation déclarée parviennent à se maintenir en 2018. Toutefois, elle se fragilise auprès des plus âgés (50 ans et plus), une cible plus exposée à l’actualité (TV, radio et Presse Quotidienne Nationale) mais surtout, davantage consommatrice. Quant aux plus jeunes (moins de 35 ans), ils s’inquiètent davantage qu’en 2017 de l’utilisation des traitements chimiques dans les cultures mais pour le moment, cette préoccupation n’impacte ni leur confiance ni leur consommation déclarée.
Après l’effritement en 2018, la confiance envers les fruits et légumes repart à la hausse en 2019, les traitements chimiques, moins présents dans l’actualité, génèrent moins d’inquiétudes. L’origine des produits est pour la deuxième année consécutive le premier facteur de réassurance. Les labels sont certes rassurants, mais pas toujours assez connus sur la catégorie. De plus, les connaissances des Français sur les fruits et légumes sont à renforcer pour lutter contre les idées reçues.
La confiance envers les fruits et légumes qui avait progressé en 2019 se maintient l’année suivante. Ainsi, les inquiétudes associées aux traitements chimiques s’avèrent moins présentes à l’esprit, l’actualité autour des produits phytosanitaires étant moins marquée en 2020.
Par ailleurs, la confiance envers les différents acteurs de la filière progresse et notamment pour l’association interprofessionnelle des fruits et légumes (+12 pts). Les craintes liées à la situation sanitaire sont limitées, Peu d’inquiétudes face à une potentielle contamination en consommant les Fruits et Légumes frais : 56% des Français considèrent que l’on peut manger ces produits sans risque. La consommation déclarée de Fruits et légumes frais reste stable mais dans ce contexte de crise sanitaire, une majorité privilégie les fruits et légumes d’origine France notamment pour soutenir les producteurs français. L’origine des produits apparait toujours comme le premier facteur de confiance mais aussi comme le second critère de choix lors de l’achat, juste après celui de la saisonnalité. La satisfaction vis-à- vis de la provenance ainsi que la visibilité de cette information en rayon progresse. Les labels sont toujours une marque de confiance pour les français. Certains d’entre eux bénéficient d’une meilleure visibilité qu’en 2019 : Fairtrade, Vergers écoresponsables, Ensemble Solidaires, RUP et HVE. Néanmoins, l’association qu’en fait le consommateur, entre logo et engagements, reste assez limitée.
Vous pouvez retrouver l’infographie du baromètre de confiance fruits et légumes frais sur le site Interfel